La liberté aux États-Unis est symbolisée par des icônes comme la Statue de la Liberté à New York, mais aussi par des valeurs fondamentales inscrites dans la Déclaration d'Indépendance, où il est affirmé que « tous les hommes sont créés égaux » et ont le droit à « la vie, la liberté et la recherche du bonheur », en faisant une valeur partagée par presque tous. Cependant, la définition que l’on donne à la liberté peut varier en fonction des opinions politiques, qui sont de plus en plus polarisées.
Aux États-Unis, la définition dominante de la liberté est souvent perçue comme l'absence totale et complète de contraintes, en particulier de la part de l'État. Cette vision, proche de l'idéal libertarien, a trouvé un écho important dans certaines factions politiques, notamment au sein du Parti républicain, du mouvement Tea Party dans les années 2000 au courant « Make America Great Again » (MAGA) aujourd’hui.
Selon cette vision de la liberté, la liberté individuelle prime, et tout contrôle gouvernemental est perçu comme une entrave à cette liberté fondamentale. Cependant, réduire la liberté à cette vision simpliste, où elle n'est que l'absence de contraintes, revient à en trahir la profondeur.
C'est cette réflexion sur la profondeur de la liberté qui a animé Timothy Snyder dans son essai De la liberté (Gallimard, 2024), traduction de On Freedom (Crown, 2024). Pour lui, la liberté ne se limite pas à un refus de toute autorité ; elle doit également permettre la réalisation d'objectifs communs et l'épanouissement de l'individu dans une société solidaire.
Selon Timothy Snyder, la liberté qui repose sur l’absence d’entrave, particulièrement du gouvernement, est une liberté « négative » et, en grande partie, trompeuse. Cette définition de la liberté n’est pas fausse, mais elle est incomplète.
La liberté signifie l’absence d’oppression, mais cette simple condition ne garantit pas nécessairement l’émancipation. Autrement dit, limiter la liberté à l’absence de barrières est insuffisant.
Pour être complète, la liberté doit permettre l’épanouissement. Ainsi, pour être une force créatrice et féconde, la liberté devrait s’accompagner de l’éducation, de la sécurité et de la solidarité.
Le président américain Ronald Reagan avait déclaré en 1981 que « government is the problem » qu’on pourrait traduire par « le gouvernement est le problème », ce qui semble résumer la vision de plusieurs courants politiques américains pour lesquels la liberté devrait être sans entrave du gouvernement. Pourtant, un système de santé publique, des services de garde pour les enfants, une école publique de qualité et des pensions de retraite, pour ne nommer que ces services gouvernementaux, peuvent permettre l’émancipation individuelle et donc être synonymes de liberté.
Sans ces services publics, les individus sont-ils vraiment libres, étant donné leurs choix restreints? Pourtant, ces services publics, qui nécessitent étatisations ou un prélèvement de taxes auprès des citoyens, sont vus comme liberticides par plusieurs courants politiques américains.
Cette double définition de la liberté était flagrante lors de la campagne pour les élections présidentielles américaines de 2024. D’un côté, Donald Trump la défendait de manière négative, de l’autre, Kamala Harris la défendait de manière positive en proposant, par exemple, un crédit d’impôt à la naissance d’un enfant, en réduisant les frais de santé et en mettant en place des aides à l’achat d’une maison.
Timothy Snyder réfléchit également à la question de la liberté d’expression et à la manière dont elle est défendue, notamment par les entrepreneurs de la Silicon Valley, plus particulièrement Elon Musk et le réseau social X, anciennement Twitter. La liberté d’expression sans aucune entrave, qui devient un laisser-faire permettant de tout dire, y compris de mentir, ne favorise pas nécessairement le débat et n’encourage pas davantage la liberté.
En revanche, le journalisme et les faits permettent la liberté. C’est pourquoi ils devraient être défendus au nom de la liberté.
Actuellement, Donald Trump aux États-Unis et Javier Milei en Argentine se présentent comme les champions de la liberté, mais en adoptant une définition négative de la liberté, c’est-à-dire avec le moins d’entrave possible du gouvernement. Cette définition négative de la liberté conforte des leaders populistes de tendance libertarienne dans leur conviction qu’ils détiennent le monopole de la liberté.
La liberté ne se réduit pas à une conception purement négative, comme l’ont montré les candidats démocrates Kamala Harris et Tim Walz, qui en ont fait un thème central de leur campagne lors des récentes élections présidentielles américaines de 2024. Bien que leurs efforts n'aient pas rencontré le succès espéré, les progressistes auraient tout intérêt à s’approprier le thème de la liberté en proposant une définition positive.
Article publié dans L’Acadie Nouvelle du 28 décembre 2024: https://www.acadienouvelle.com/chroniques/2024/12/27/de-la-liberte-en-amerique/