Twitter, né en 2009, sans être un bastion de la gauche, a longtemps été le réseau social où émergeaient de grandes tendances sociétales, notamment envers les minorités, ce qui lui donnait une image plutôt progressiste. Aujourd’hui devenu X, le réseau social a basculé vers l’extrême droite et, grâce à l’appui de son propriétaire Elon Musk, n’est sans doute pas étranger à la récente victoire de Donald Trump aux dernières élections présidentielles américaines.
Avec ses courts messages de 140 caractères, Twitter n’était pas aussi populaire que Facebook auprès du grand public, mais il était le réseau social préféré des journalistes et des communicateurs. C’est en partie grâce à ce site, qui a amplifié les messages à l’aide de ses mots-clics, que les mouvements #MeToo ou #BlackLivesMatter sont devenus des phénomènes de société.
En 2022, Elon Musk, l’entrepreneur derrière Tesla et SpaceX, a racheté Twitter, qu’il a renommé X. Le réseau social X a depuis été vivement critiqué pour ses campagnes de « fake news », qu’Elon Musk lui-même n’hésite pas à amplifier.
Le réseau social X a été instrumentalisé par son propriétaire pour servir ses intérêts et ses opinions. En effet, en tant que propriétaire, Elon Musk profite d'une position privilégiée, ses publications bénéficiant d'un traitement favorable dans l'algorithme de X, ce qui fait que ses messages, souvent composés de fausses nouvelles destinées à défendre ses intérêts, sont vus par l'ensemble des utilisateurs qui s'y connectent.
L’achat de Twitter par Elon Musk et son utilisation pour se mettre en valeur lui ont permis d’augmenter considérablement son influence politique, notamment en faisant la promotion du président Donald Trump lors de la campagne pour les élections présidentielles américaines de 2024. Donald Trump a d’ailleurs nommé, le 12 novembre dernier, Elon Musk à la tête du département de l’Efficacité gouvernementale, co-dirigé avec Vivek Ramaswamy, avec un statut semblable à celui d’un ministre.
Qui plus est, prétendument au nom de la liberté d’expression, Elon Musk a fait modifier les politiques de modération de contenu et a réintégré des comptes précédemment interdits par l’ancienne administration, le plus célèbre d’entre eux étant Donald Trump. Ces modifications ont fait en sorte que les contenus violents et les fausses informations se sont multipliés sur X.
Le média, autrefois vecteur de contestation des pouvoirs conservateurs et associé à des mouvements progressistes comme le soulèvement postélectoral de 2009 en Iran, les Printemps arabes entre 2010 et 2012, Euromaïdan en 2013, ainsi que les luttes sociales #MeToo et #BlackLivesMatter, a connu un réalignement politique. Il est désormais perçu comme un amplificateur de la désinformation et des idées d’extrême droite.
C’est le constat que fait Jen Schradie dans son essai L’illusion de la démocratie numérique : l’internet est-il de droite? (Quanto, 2022). La surreprésentation des idées d’extrême droite sur les réseaux sociaux s’expliquerait en partie par la fracture sociale exacerbée sur le web, les moyens financiers engagés par des partis d’extrême droite de même que la nature même des messages.
Un autre facteur est que les groupes d’extrême droite, souvent dotés d’une hiérarchie décisionnelle, sont plus efficaces en ligne que des groupes avec des structures horizontales et sans hiérarchie, ce qui est souvent le cas des groupes de gauche. La démocratie participative est moins évidente qu’on le croit sur Internet puisqu’elle peut être détournée par des groupes bien organisés.
Qui plus est, l’extrême droite a toujours été habile à utiliser Internet et les réseaux sociaux, souvent en affirmant être marginalisée par les médias traditionnels pour diffuser ses messages. Selon Jen Schradie, cela s’explique en partie par les ressources financières souvent importantes dont dispose l’extrême droite pour investir dans le numérique ainsi que par son organisation pour utiliser efficacement ces outils.
Un autre point important concerne l’idéologie. En se positionnant comme les champions de la « liberté », lorsque, par exemple, Elon Musk se dit le champion de la liberté d’expression, le message simple et percutant contraste avec celui de la gauche, axé sur des concepts plus complexes comme l’« équité ».
Les réseaux sociaux, notamment Twitter devenu X, ont permis le meilleur comme le pire pour la démocratie. Toutefois, ils semblent donner un immense avantage à l’extrême droite et posent d’énormes défis, dont la propagation des fausses nouvelles et la polarisation de la société.
Article publié dans L’Acadie Nouvelle du 4 janvier 2025: https://www.acadienouvelle.com/chroniques/2025/01/03/elon-musk-x-et-donald-trump/