Quelques jours après la victoire de Donald Trump et du Parti républicain lors des élections présidentielles de 2024, le Parti démocrate est en crise. Ce dernier doit sans doute remettre en question son identité, lui qui, depuis des décennies, est devenu le parti des minorités.
Le Parti démocrate, né à la suite d’une scission du Parti démocrate-républicain, a été fondé en 1828. Le premier président démocrate fut le populiste Andrew Jackson, souvent considéré comme l’un des pires présidents des États-Unis, de 1829 à 1837.
À ses débuts, le Parti démocrate était un parti esclavagiste, essentiellement implanté dans les États du Sud. À l’inverse, le Parti républicain, fondé en 1854, s'est formé autour de la question de l'esclavage avec Abraham Lincoln, élu premier président républicain en 1861, qui soutenait fermement la cause abolitionniste.
Ainsi, loin d'être progressiste à ses débuts, le Parti démocrate n'a commencé à adopter des valeurs progressistes qu'à partir de la crise économique de 1929. Cependant, il n’est jamais devenu un parti ouvrier ou un parti socialiste comme on a vu en Europe, ni même un parti avec une forte identité idéologique.
Le Parti républicain, pour sa part, a également évolué, devenant, vers la fin du XIXᵉ et au début du XXᵉ siècle, le parti de l’entreprise et du capitalisme industriel. Après la Grande Dépression de 1929, et surtout après le New Deal de Franklin Delano Roosevelt, le Parti républicain s’est progressivement orienté vers des politiques conservatrices en matière économique et sociale, s’opposant à l’intervention de l’État dans l’économie et aux programmes sociaux.
Dans les années 1960, un réalignement majeur s'est produit lorsque les républicains, notamment sous la présidence de Richard Nixon, ont adopté une stratégie visant à attirer les électeurs blancs du Sud déçus par le soutien des démocrates aux droits civiques. Ce réalignement a fait du Parti républicain le parti dominant dans le Sud, renversant ainsi les loyautés régionales historiques par rapport aux siècles précédents.
Le Parti démocrate, quant à lui, est devenu un rassemblement de minorités, de ceux qui ne s'identifient pas à la « mainstream America ». Cela s’était vu à partir Franklin Delano Roosevelt avec son « New Deal » qui cherchait à rassembler toutes les victimes de la crise économique, soit une coalition hétéroclite d’ouvriers des zones industrielles du Nord-Est et des Grands Lacs, des fermiers de l’Ouest et des plaines, des classes moyennes urbaines et même des conservateurs du Sud qui votaient en masse pour le parti démocrate.
La communauté catholique s'est associée au Parti démocrate dès la fin du XIXᵉ siècle. C’est également le seul parti à avoir fait élire des présidents catholiques, John Fitzgerald Kennedy et Joe Biden.
La communauté afro-américaine est aussi liée au Parti démocrate, notamment grâce à l’appui de John Fitzgerald Kennedy pour les droits civiques et aux lois antiségrégationnistes de Lyndon B. Johnson. On se souvient également de Barack Obama, premier président afro-américain.
D’autres groupes sociologiquement minoritaires, tels que les femmes — qui forment ironiquement une majorité — soutiennent majoritairement le Parti démocrate depuis les années 1990, en réaction au conservatisme social du Parti républicain, notamment sur la question de l’avortement. Le Parti démocrate est le seul à avoir fait élire une vice-présidente, Kamala Harris, et à avoir désigné des femmes comme candidates à la présidence, avec Hillary Clinton en 2016 et Kamala Harris en 2024.
En concentrant leur attention sur les minorités culturelles et sexuelles, les démocrates ont pu susciter un sentiment de délaissement parmi les classes populaires et ouvrières. Ainsi, de nombreux ouvriers du Nord des États-Unis, majoritairement démocrates dans les années 1960, ont commencé à soutenir le Parti républicain à partir des années 1980, un phénomène qualifié de « Reagan Democrats ».
Un phénomène similaire semble s’être produit avec d’autres groupes socio-démographiques. Les dernières élections indiquent que les démocrates ne bénéficient plus du soutien massif des groupes qui les avaient appuyés lors des élections de Franklin Delano Roosevelt et de John Fitzgerald Kennedy.
Les éléments les plus conservateurs, voire réactionnaires, de ces groupes minoritaires semblent avoir été séduits par les propos de Donald Trump. Le vote pour Donald Trump reflète aussi une opposition à l’establishment, autrement dit un vote populiste.
Les discours populistes de Donald Trump ont ainsi attiré de nombreux Américains, y compris des minorités. Le Parti démocrate devra sans doute en tirer des leçons afin d’ajuster son positionnement idéologique.
Article publié dans L’Acadie Nouvelle du 16 novembre 2024: https://www.acadienouvelle.com/chroniques/2024/11/15/le-parti-democrate-parti-des-minorites/