La fonction de pape exige de se tenir au-dessus des questions politiques et des partis. Pourtant, à en juger par leurs récentes déclarations, de vives tensions semblent opposer le pape François et l’administration de Donald Trump aux États-Unis.
Un peu partout dans le monde, les populistes tentent d’instrumentaliser les religions, notamment le christianisme, afin de légitimer leur discours politique, souvent en contradiction avec les valeurs chrétiennes. Cette stratégie a notamment été utilisée par Jair Bolsonaro au Brésil et est toujours employée par Viktor Orbán en Hongrie, Giorgia Meloni en Italie et Donald Trump aux États-Unis.
En recourant à un langage religieux qui fait appel aux traditions, les politiciens populistes peuvent donner l’impression d’être rassurants pour une partie de la population qui se sent laissée pour compte dans un monde en mutation. Les références au christianisme leur permettent d’adopter la posture de défenseurs de la mémoire, des racines et de l’histoire.
Le christianisme se trouve ainsi réduit à sa seule dimension identitaire. La défense du christianisme par les leaders d’extrême droite apparaît alors davantage comme un moyen d’exploiter la peur et d’entretenir une angoisse identitaire.
Lorsqu’il s’agit du catholicisme, le pape François semble parfois, de manière subtile, rappeler à l’ordre ceux qui en détournent le message, malgré la neutralité imposée par sa fonction. C’est ce qu’il a semblé faire dans une lettre adressée aux évêques américains, datée du 11 février dernier et rendue publique en plusieurs langues sur le site web du Vatican.
Dans cette lettre, lorsqu’il écrit que « déporter des personnes qui, dans de nombreux cas, ont quitté leur terre pour des raisons d’extrême pauvreté, d’insécurité, d’exploitation, de persécution ou de grave détérioration de l’environnement, porte atteinte à la dignité de nombreux hommes et femmes, et de familles tout entières, et les rend particulièrement vulnérables et sans défense », il est difficile de ne pas y voir une critique de l’actuelle politique migratoire américaine. Depuis le début de son pontificat, le pape François a soutenu les migrants et les réfugiés et, en cohérence avec ses prises de position précédentes, il présente la situation des migrants aux États-Unis comme une crise.
Il est également intéressant de noter qu’au cours de l’histoire des États-Unis, seuls deux présidents ont été catholiques, John Fitzgerald Kennedy et Joe Biden. Quant aux vice-présidents, en plus de Joe Biden, qui avait occupé cette fonction sous Barack Obama, il y a, depuis janvier dernier, J. D. Vance, converti au catholicisme en 2019.
Le vice-président J. D. Vance ne se prive pas, sans doute pour des raisons électoralistes, d’instrumentaliser son catholicisme pour légitimer ses prises de position politiques. Il a notamment évoqué, le 30 janvier 2025 sur Fox News, le principe de l’ordo amoris, une doctrine inspirée de saint Augustin, qu’il définit comme un ordre moral où la compassion doit d’abord se diriger vers sa famille et ses concitoyens, avant de s’étendre aux personnes plus éloignées, afin de défendre le programme d’expulsions massives d’immigrants aux États-Unis.
Sans jamais nommer J.D. Vance, le pape écrit dans cette même lettre que « le véritable ordo amoris qui doit être promu est celui que nous découvrons en méditant constamment sur la parabole du “Bon Samaritain”, c’est-à-dire en méditant sur l’amour qui construit une fraternité ouverte à tous, sans exception ». Là encore, il est difficile de ne pas y voir une réponse aux déclarations du vice-président américain.
Sans compter que, à la fin de son fameux discours de Munich, le 14 février dernier, J.D. Vance a cité le pape Jean-Paul II lors de son homélie d’intronisation du 22 octobre 1978, en lançant « Don’t be afraid ! », qu’on pourrait traduire par « N’ayez pas peur ! ». Toutefois, le vice-président américain détourne cette formule catholique pour en faire un slogan populiste, omettant la suite de l’homélie du pape polonais, un appel à ouvrir « les frontières des États, les systèmes économiques et politiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation, du développement », qui, à l’époque, résonnait comme un défi au régime soviétique.
Les populistes d’extrême droite cherchent à instrumentaliser la religion, dans ce cas de J. D. Vance le catholicisme, pour légitimer leurs politiques et séduire l’électorat conservateur. Toutefois, cette stratégie se heurte à un adversaire de taille, le pape François lui-même, dont la vision sociale et humaniste contraste fortement avec leurs discours.
Article publié dans L’Acadie Nouvelle du 1er mars 2025: https://www.acadienouvelle.com/chroniques/2025/02/28/le-vatican-et-la-maison-blanche/