La mobilisation de la jeunesse, particulièrement de la génération Z grâce à son usage des réseaux sociaux, dans plusieurs pays dont l’Indonésie, le Maroc, le Népal et le Pérou, a déstabilisé les États au cours des dernières semaines. Madagascar fait aussi partie de la liste et, dans son cas, cela rappelle qu’une autre génération, avec ses propres moyens de communication, avait déjà marqué une précédente transition politique.
Dans plusieurs pays du Sud, des jeunes issus de la génération Z, soit ceux nés entre la fin des années 1990 et le début des années 2010, mènent une mobilisation transnationale qui utilise les réseaux sociaux pour dénoncer les inégalités, la corruption et la dégradation des services publics. Malgré des contextes nationaux différents, ces mouvements se rejoignent par leur organisation horizontale, leur orientation socio-économique et leur capacité à bousculer des élites politiques discréditées.
À Madagascar, cette génération a réussi, il y a quelques semaines, à renverser le pouvoir. Le président Andry Rajoelina a pris la fuite dans la nuit du 11 au 12 octobre, après trois semaines de manifestations exprimant les colères, frustrations et revendications de la population malgache. Quelques jours plus tard, le 14 octobre, un groupe de colonels a instauré une autorité de transition.
Ces jeunes de la génération Z, éduqués et connectés aux réseaux sociaux, ont réussi à convaincre et à amener dans leur mouvement et leurs manifestations des citoyens ordinaires, des chômeurs, des employés et des fonctionnaires excédés par la dégradation des conditions de vie. Le bidon jaune, ce contenant de plastique de 20 litres utilisé pour transporter l’eau lors des fréquentes coupures, est devenu un symbole de leur colère et de la contestation contre la gestion du pouvoir.
Il est intéressant de replacer ces derniers événements politiques à Madagascar dans un contexte mondial, où la génération Z brandit le drapeau du manga japonais One Piece, populaire auprès de leur génération, pour défier les autorités. À Madagascar, une génération précédente, plus d’une quinzaine d’années plus tôt, maîtrisait déjà les outils de communication pour asseoir son pouvoir, mais portait une vision politique radicalement différente.
À la fin des années 1990 et au début des années 2000, le DJ Andry Rajoelina enflammait les nuits de la capitale Antananarivo. Ses talents de DJ le menèrent vers une carrière d’entrepreneur en événementiel puis vers d’autres domaines de la communication.
Ainsi, Andry Rajoelina se lança par la suite dans la publicité avec une entreprise d’impression numérique et de gestion de panneaux publicitaires, devenant, après le rachat d’autres entreprises, leader dans le domaine de l’affichage publicitaire. Il continua ses investissements dans les médias en rachetant une station de radio et une station de télévision.
C’est armé de ses puissants relais médiatiques qu’il se lança en politique, d’abord à la mairie d’Antananarivo en 2007 puis à la présidence de Madagascar en 2009, à la tête d’un mouvement de contestation contre le président de l’époque Marc Ravalomanana. Par ce mélange de pouvoir médiatique et de pouvoir politique, Andry Rajoelina rappelle Silvio Berlusconi, ancien Premier ministre italien, qui avait utilisé son empire médiatique pour bâtir sa carrière politique.
En 2009, profitant d’un large mouvement de mécontentement populaire et de manifestations organisées autour de ses médias, Andry Rajoelina s’est imposé comme chef de la « Haute Autorité de Transition » après la fuite de Marc Ravalomanana, soutenu par l’armée. Dès lors, sa maîtrise des médias, combinée à la mobilisation de la jeunesse et aux slogans de contestation, a permis de légitimer son gouvernement auprès d’une partie de la population, bien que la communauté internationale, dont l’Union africaine et plusieurs pays occidentaux, ait refusé de reconnaître cette prise de pouvoir, considérée comme le fruit d’un coup d’État.
Aujourd’hui, seize ans plus tard, Andry Rajoelina a été renversé par une nouvelle génération de contestataires qui, comme lui à l’époque, sait utiliser les médias. Toutefois, ce n’est plus l’affichage, la radio ou la télévision qu’utilise cette nouvelle génération, mais les réseaux sociaux qu’elle utilise pour communiquer, se regrouper et dénoncer les excès de ceux qui sont au pouvoir.
D’après ses déclarations, Andry Rajoelina ne semblait pas s’inquiéter de ces contestations numériques, se disant que seulement 20 % de la population malgache était connectée. Il oubliait toutefois la capacité de cette génération à mobiliser et convaincre le reste de la population.
À Madagascar, les mouvements de 2009 et de 2025 ne se recoupent pas directement, mais ils illustrent la manière dont chaque génération exploite les moyens de communication disponibles pour se faire entendre. La contestation politique s’adapte aux évolutions technologiques des médias.
Article publié dans L’Acadie Nouvelle du 6 décembre 2025: https://www.acadienouvelle.com/chroniques/2025/12/05/madagascar-transition-generations-et-communication/


