Des villes comme New York et Londres sont souvent considérées comme des villes-mondes, tandis que d'autres grandes capitales, comme Madrid, peuvent sembler plus provinciales en comparaison. Pourtant, à sa manière, la capitale espagnole est également une ville-monde.
L’histoire des villes-mondes commence sans doute avec Rome, qui, à son apogée, était un centre politique, culturel et économique inégalé, influençant l'ensemble de l'Empire romain. Au fil des siècles, d'autres villes comme Londres, Paris et New York ont émergé en tant que métropoles mondiales, chacune marquant son époque par son pouvoir économique, son rayonnement culturel et sa capacité à attirer des populations diverses.
Madrid ne vient généralement pas en tête lorsqu’on pense aux grandes métropoles mondiales. Toutefois, dans son essai Madrid: A New Biography (Yale University Press, 2024), l'historien Luke Stegemann brosse un portrait de la ville en mettant en avant ses dimensions internationales et cosmopolites.
Alors que Paris est la capitale du Royaume de France depuis le Xe siècle et que Londres est la capitale de l’Angleterre depuis le XIe siècle, Madrid est une capitale relativement récente, ayant accédé à ce statut en 1561. Bien que la raison précise du choix de Madrid comme capitale ne soit pas clairement établie, il semble qu'il s'agisse d'un compromis entre différentes rivalités, tout comme Ottawa au Canada, Canberra en Australie ou Brasília au Brésil l'ont été des siècles plus tard.
En effet, comme on peut facilement le constater en regardant une carte de l’Espagne, Madrid a l’avantage d’être située au centre du pays. La ville a donc suivi un destin particulier, passant d’une petite forteresse militaire fondée au IXe siècle par l'émir Muhammad Ier de Cordoue à un centre du plus grand empire du monde pendant plus d’un siècle.
L'Espagne a été considérée comme le plus grand empire du monde au XVIe et au début du XVIIe siècle, notamment sous les règnes des rois Habsbourg, Charles Ier (1516-1556) et Philippe II (1556-1598). Cette période, souvent qualifiée de « Siècle d'or » espagnol (Siglo de Oro), a été marquée par une expansion massive du territoire espagnol à travers les Amériques, ainsi qu'en Asie, en Afrique et en Europe.
C'est ainsi que, durant cette époque, des figures emblématiques comme le peintre Diego Velázquez, l’écrivain Miguel de Cervantes et le dramaturge Lope de Vega vivaient à Madrid. Bien que cela soit un peu plus tardif, après le Siècle d'or, c’est également à Madrid que vécut le peintre Francisco de Goya.
De plus, en tant qu'empire, le territoire espagnol était bien plus vaste que ses frontières actuelles, et cette influence culturelle s'illustre encore aujourd'hui dans des institutions prestigieuses, au premier rang desquelles le musée du Prado.
Bien que le Prado ne soit pas nécessairement dans la même catégorie que le Louvre à Paris, le Metropolitan Museum of Art (MET) à New York, le British Museum à Londres ou l'Ermitage à Saint-Pétersbourg en raison de sa spécialisation sur l'art classique espagnol et européen, il possède une collection d’une richesse incomparable. Les œuvres d’artistes emblématiques comme Jérôme Bosch, Pierre Paul Rubens et Titien témoignent non seulement de la grandeur artistique de cette époque, mais aussi de l’influence qu’exerçait l’Espagne en Europe et dans le monde à travers son empire.
Le Siècle d'or espagnol, cette période de floraison culturelle, artistique et littéraire exceptionnelle, est depuis longtemps révolu. Aujourd'hui, Madrid peine à rivaliser avec des métropoles globales telles que Londres, New York et Paris, qui s’imposent comme des centres d’influence économique, culturelle et politique à l’échelle mondiale et attirent les talents.
Cependant, Madrid continue de se distinguer comme une capitale qui attire des talents et des migrants d’horizons variés, contribuant à son caractère cosmopolite. Comme l’a récemment souligné Pedro Sánchez, président du gouvernement espagnol, au Congrès des députés, la chambre basse des Cortes Generales, le parlement espagnol, le 9 octobre dernier, le pays se trouve à un carrefour crucial : choisir de demeurer ouvert et prospère ou de céder aux discours de repli identitaire.
Dans un monde où les talents et la diversité stimulent la croissance, Madrid incarne cette Espagne moderne qui, loin des imaginaires de la peur, célèbre une immigration essentielle pour relever les défis économiques et démographiques. Cela rappelle que l’esprit cosmopolite de la capitale espagnole ne repose pas seulement sur son histoire, mais également sur sa vision d’avenir.
Article publié dans L’Acadie Nouvelle du 2 novembre 2024.